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Gino Bechi, une vie d'opéra

Portrait photo de Gino Bechi

Gino Bechi, célèbre baryton italien, a interprété sur toutes les scènes internationales d'opéra les plus grands  rôles rossiniens, verdiens et véristes: la Scala de Milan, le Teatro San Carlo de Naples, l'Opéra de Rome puis les maisons d'opéra du Caire, des Etats-Unis et d'Amérique du Sud l'ont invité à maintes reprises. Après sa carrière exceptionnelle, Gino Bechi s'est attaché à transmettre l'art de la Scuola Italiana di Canto.

Pour mieux présenter la carrière de ce grand artiste, nous nous appuyons sur les éléments de biographie recueillis par Daniele Rubboli dans son merveilleux ouvrage « GINO BECHI, Il palco scenico e la vita » publié aux Editions Bongiovannni de Bologne. Nous avons aussi inclus dans notre résumé certains extraits de son propre récit autobiographique en langue italienne publié à l’intérieur du double 33 tours que la firme de disques Timaclub lui a consacré. Nous avons choisi de vous présenter notre propre traduction en langue française de cette longue interview mais aussi de la citer in extenso en italien afin que vous puissiez en apprécier la saveur en langue originale.

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Couverture du double-album de Gino Bechi chez Timaclub

Sous la forme de libres propos échangés avec Maurizio Tiberi en 1983, Gino Bechi nous montre une vie entièrement consacrée à l’art lyrique et on y retrouve son esprit extraordinairement vif et moderne, sa générosité, sa précision, son éblouissement devant la vie et l’art: « È andato tutto bene, è incredibile, Cristina… », confiait-il avec un étonnement reconnaissant.

Gino Bechi : De la naissance à la Traviata d'Empoli

Gino Bechi est né à Florence le 16 octobre 1913, via dei Bardi, de son père Gino Bechi senior et de sa mère Isolina Bechi, née Riva. La famille a d'abord passé dix années à Palerme puis s'est réinstallée à Florence. Le père et l'oncle disposant chacun d’une belle voix de baryton, on s’attendait à ce que l’enfant aime l’opéra, mais il commença par préférer le cinéma et les chansons… puis s’acheta des partitions d’airs d’opéra… tout en étudiant le piano. Dans le même temps, il poursuivit avec beaucoup d'intérêt ses études à la Scuola Industriale Leonardo da Vinci et gardera pendant toute sa vie une passion pour la mécanique et les trains.

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À l’âge de quinze ans vint la rencontre avec le maestro Raoul Frazzi, qui lui trouva « un bon timbre et une voix étendue… » puis déclara que l’on pouvait « essayer ». Le garçon venait de lui chanter le Prologue de I Pagliacci… L’école du maestro Frazzi regorgeait de futurs grands noms de l’art lyrique: Armando Borgioli, Bruno Landi, Agostino Casavecchi, Onelia Fineschi…

 

La même année, le jeune homme déclarait sa flamme à Giuliana Terzani, qui devint plus tard son épouse. De leur union naîtront deux enfants.

Afin de pouvoir continuer à étudier le chant au moment du service militaire, Gino Bechi choisit de s’engager comme volontaire, auprès de la Première Compagnie de Radiotélégraphie, basée à Florence.

Grâce à Alessandro Becattini, imprésario qui fit débuter bon nombre de jeunes chanteurs comme Enzo Mascherini, Aldo Lamperi...Gino Bechi participe à divers concerts et concours. Il continue dans le même temps ses études auprès du maestro Raoul Frazzi.

Le 17 décembre 1936, à l’âge de vingt-trois ans, Gino Bechi débute en Germont dans La Traviata à Empoli et le public consacre son talent par un accueil triomphal. Il est en route pour les plus grandes scènes du monde.

La carrière lyrique de Gino Bechi

L’écho du succès de La Traviata d’Empoli vaut à Gino Bechi d’être aussitôt engagé dans Lucia de Lammermoor et dans Rigoletto à Alessandria en février 1937.

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Il interprète Rigoletto au Teatro Duse di Bologna puis au Castello Sforzesco di Milano, puis une Traviata à Genova, une autre à Viterbo et une Lucia di Lammermoor à Bergamo. Vient alors un Barbiere di Siviglia à Bologne avec Lina Pagliughi, un autre à Viareggio avec Dina Mannucci, puis plusieurs Rigoletto à Reggio Emilia, Modena et Bologna.

 

Entre deux représentations de Rigoletto, le 18 octobre 1937, Gino Bechi et Giuliana Terzani se marient : le repas de noces aura lieu sans eux car ils sont déjà repartis !

Après une Lucia di Lammermoor à Asti et un nouveau Rigoletto à Palermo avec Mario Filippeschi, Gino Bechi part chanter en Egypte : Alexandrie et Le Caire l’attendent pour Aida, Rigoletto et Il Barbiere di Siviglia.

Le roi Farouk d’Egypte et Gino Bechi deviendront amis, et une grande histoire d’amour commencera entre le public égyptien et l’artiste : considéré comme une expression du divin, il sera suivi par des fans et de multiples objets seront fabriqués à son effigie. Gino Bechi retournera chanter en Egypte jusqu’à ses dernières années de carrière.

De la fin 1937 à février 1938, Gino Bechi est sous contrat à Bari, où il chante Lucia di Lammermoor, Rigoletto, Il Barbiere di Siviglia puis Traviata, Aida, La Forza del Destino et La Baronessa di Carini de Giuseppe Mulè. 

Florence, Vérone, Pise, Livourne, Palerme, Trévise, Come, Turin, Milan, Rome… accueillent Gino Bechi pour d’innombrables représentations pendant les années 1938 et 1939 : Andrea Chénier, l’Arlesiana, Salomé, Pagliacci, Il Trovatore, Ernani, La Gioconda viennent s’ajouter à son répertoire.

Après Guglielmo Tell à l’Opéra de Rome, Gino Bechi est à la Scala de Milan pour La Forza del Destino en 1940… La même année, il y chantera Zaza de Leoncavallo et interprétera La Favorita puis Cavalleria Rusticana sous la direction de Pietro Mascagni, La Gioconda, Tosca, La Wally, Nabucco… dans diverses villes italiennes.

 

À présent, Gino Bechi est une star…

Couverture album 33T - Cavalleria Rusticana
Un Ballo in Maschera - Verdi - Couverture album 33T

« Ensuite vient l’arrêt forcé dû à l’entrée en guerre de l’Italie, même si durant cette funeste période j’eus la possibilité de me rendre en Yougoslavie pour chanter des représentations du Barbiere di Siviglia puis d’y retourner avec l’ensemble du Teatro Reale dell’Opera di Roma pour Aida et La Traviata, à Lublijana et à Zagreb. »

 

« En 1941, le Teatro Reale dell’Opera se déplaça là-bas avec toutes ses équipes d’artistes, d’orchestre, de choristes, de machinistes, de décors, de costumes et plus encore, pour exécuter des représentations extraordinaires de Norma, Un Ballo in Maschera et d’autres œuvres encore. »

« J'étais engagé pour Renato dans Un Ballo in Maschera : je crois avoir à cette occasion exprimé un de mes moments les plus magiques. »

 

Je suis le seul à avoir été engagé pour plusieurs saisons de suite, précisément jusqu'en 1943. Je dois ajouter qu'avec une certaine inconscience, entêté à vouloir honorer mes engagements, j'eus à souffrir de la peur des formidables bombardements des forces alliées..

Pendant les années de la fin de la guerre, Gino Bechi chante essentiellement en Italie, dans d’innombrables représentations du Barbiere di Siviglia et de Rigoletto, ajoutant Faust et Les Pêcheurs de Perles à ses nombreux engagements.

« Ensuite, en 1945, il y eut un premier contrat juste après la guerre, et l’habituel petit groupe d’artistes qui passait pour le meilleur en ce temps-là se rendit à Lisbonne au moyen d’un Savoia-Marchetti 75 : Stignani, Neri, Gigli, Caniglia e Bechi (ces derniers surnommés Il Trio Lescano della Lirica en raison du nombre incalculable de représentations effectuées ensemble, même si en réalité nous étions un quintett, puisque la Stignani et Neri ne manquaient jamais quand les opéras requéraient ces registres vocaux) et je pourrais citer beaucoup d’autres noms aussi parmi les chefs d’orchestre. »

Opéra de Lisbonne

« Le Teatro São Carlos devait être ensuite devenir pour moi un passage obligé pour de nombreuses années : je pense avoir eu l’occasion de m’y produire dans tous les rôles de baryton les plus importants, y compris dans un opéra que j’aime énormément : Hamlet d’Ambroise Thomas. Mais c’est un opéra où le baryton doit aussi avoir un si bémol facile, sinon il se trouve un peu… embarrassé!... »

Après un début d’année très intense dans les maisons d’opéra italiennes, 1946 voit l’envol vers les théâtres internationaux : c’est Lisbonne pour La Forza del Destino, Il Barbiere di Siviglia et Rigoletto, Porto pour Rigoletto et Falstaff, Madrid pour Tosca, Aida, Rigoletto, Falstaff et Il Barbiere, Rio de Janeiro pour Un Ballo in Maschera et La Forza del Destino…

« Pendant mon séjour à Lisbonne, je fus engagé pour aller au Theatro Municipal  de Rio de Janeiro, au Brésil. De là, je suis passé à São Paulo, puis à Santiago du Chili, à Viña del Mar et au Teatro Colón de Buenos Aires, toujours en déplacement… Puis New York, Boston, Philadelphie, Detroit, puis Londres (Falstaff et Otello avec les « habituels » Tebaldi, Vinay, Barbieri, De Sabata), et puis… et puis… Mais si je devais citer tous les lieux dans lesquels je suis allé, il faudrait écrire autant que Victor Hugo dans "Les Misérables" ! »

En 1947, ce sont les retrouvailles avec l’Egypte, pour Rigoletto, Andrea Chénier, Il Barbiere di Siviglia et Lucia di Lammermoor au Théâtre Royal du Caire ; Il Barbiere et Rigoletto à Alexandrie, puis Lisbonne pour de nombreux ouvrages dont  Carmen avec Fedora Barbieri, Buenos Aires pour Rigoletto et Andrea Chénier et retour en Italie pour des représentations d’Andrea Chénier à Foggia, Otello à Rome et à Milan.

 

Les théâtres du Caire et d’Alexandrie invitent Gino Bechi en 1948 pour Un Ballo in Maschera, Otello, ThaÏs et divers récitals, puis il se rend à Lisbonne pour Il Trovatore, La Traviata, Il Barbiere di Siviglia, Aida, La Bohème, Hamlet et Rigoletto. De nombreuses productions du Barbier ponctuent cette année, ainsi qu’un nouveau rôle : Don Giovanni au Liceu de Barcelone. Il Trovatore à la Scala viendra clore l’année.

Coffret Nabucco - Callas - Bechi

De 1949 à 1951, Gino Bechi parcourt l’Italie avec Trieste, Reggio Calabria, Cagliari, Sassari, Catania, Rome et Naples pour un Nabucco avec Maria Callas… En 1950, ce sont de nouvelles invitations au Caire et à Alexandrie, puis Lisbonne, Gênes, Pise, Séville et Londres pour un Otello avec Ramon Vinay… 1951 le montre au Caire, à New-York, à Detroit, à Philadelphie et à Rochester, pour finir l’année come al solito à la Scala avec Nabucco.

Aida à Rome, Cavalleria Rusticana à la Scala sous la direction de Pietro Mascagni, Otello et Thaïs à Lisbonne marquent le début de l’année 1952, puis vient Il Barbiere di Siviglia à la Scala avant de partir en Allemagne pour des représentations du Ballo in Maschera et du Trovatore à Stuttgart, Wiesbaden et Munich. Traviata et Otello en Italie concluront  cette année.

1953 sera une année principalement italienne, sauf un Barbiere di Siviglia à Malte, et 1954 une année égyptienne, sauf un Eugen Oneguin avec Leyla Gencer au Teatro San Carlo di Napoli. Gino Bechi chante Aida, Falstaff et Traviata en 1955, à Bari, Tunis et Rome, puis, en 1958, se rend à Londres pour un Guglielmo Tell avec Philippeschi. En 1959 et 1960, les années commencent au Caire avec Aida et se poursuivent par une saison italienne. Les années 1961 à 1963 continuent de le mener dans les grands théâtres italiens avec Falstaff, La Tosca, Lucia di Lammermoor, et toujours et per sempre  avec son magnifique Barbiere di Siviglia,

La Traviata avec Anna Moffo comme coda à la carrière d'opéra

Gino Bechi donne un récital le 25 février 1963 au Palazzo Apostolico de Loreto, puis se retire de la carrière théâtrale.

 

 « Elle connut, c’est vrai, une coda… Le metteur en scène et ami Lanfranchi me proposa de faire La Traviata en film d’opéra, avec dans le rôle-titre son épouse Anna Moffo: deux ans étaient passés depuis la cessation de mon activité et je ne souhaitais pas accepter, mais les aimables insistances furent si nombreuses que je « cédai à la courtoise invitation… », tout en indiquant bien clairement qu’il me fallait une quinzaine de jours pour me préparer. Lanfranchi promit… et ne tint pas parole : un coup de fil dominical m’avisa que le lendemain, lundi, ou commençait l’enregistrement de la bande-son !!! »

 

« Il est clair que la préparation ne fut pas possible, et c’est ainsi que j’ai chanté en une fois tout l’opéra, qui a semblé bien réussi à beaucoup de monde. Je ne partage pas cet avis, mais enfin… De notes proprement laides, il n’y en a pas, et par conséquent amen ! Et ce fut vraiment la dernière fois que je chantai un opéra entier. »

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